Sur le réseau social Telegram, rien se semble gêner des bandits qui s’entraident ouvertement dans un groupe consacré aux vols de voitures. Les victimes, elles, se sentent impuissantes face à ce fléau grandissant qui cause bien des tracas.
À un clic du vol d’auto
« Y reste une clé Londsor Toyota Lexus », « J’achète des adresses pour des Toyota Highlander 2020 et des Lexus Rx350 » : nous ne sommes pas dans un jeu vidéo ou un film, mais bien dans l’univers virtuel des voleurs d’autos. Sans se cacher du public, un groupe présent sur Telegram identifié par La Presse fournit mille et une astuces pour s’emparer d’un véhicule, alors que les vols de voitures sont devenus monnaie courante au Québec.
Le groupe est truffé d’offres pour faciliter la vie des apprentis malfaiteurs. Les présumés voleurs de voitures s’entraident, donnent des formations, vendent du matériel pour reprogrammer des clés d’auto, jasent de modèles convoités et partagent des adresses où les localiser. Toutes ces informations se trouvent en un clic sur la plateforme de discussion publique. Pas besoin de mot de passe ni de code d’accès : n’importe quel internaute peut participer aux activités du groupe comptant près de 1300 abonnés.
Une véritable mine d’or pour les criminels en devenir : on y vend un outil pour percer des vitres d’auto à 20 $, ou encore trois pour 50 $.
Un programmeur de clés automatiques pour Chevrolet, Cadillac, Jeep ou Ford se vend aux alentours de 2000 $. Le même engin pour des clés de Honda ou d’Acura est offert pour 700 $. On affiche même le prix en bitcoins.
« Encore un client satisfait ! Hit me up [contactez-moi] pour vos programmeuses au meilleur prix ! », fanfaronne l’administrateur de cet obscur groupe.
L’individu demande parfois à ses « clients satisfaits » de photographier leur liasse de billets obtenus grâce à ses « services ».
Repérage et formations en ligne
Dans une autre publication du groupe vue par environ 1400 usagers, un internaute souhaite acheter des adresses de domiciles à Montréal ou à Ottawa où on peut retrouver les véhicules suivants : Toyota Highlander, Lexus LX, Lexus GX, Lexus RX : « 250 $ pour chaque adresse », précise l’usager.
Il précise avoir besoin de plusieurs clichés du véhicule, d’une photo du numéro d’identification de véhicule (VIN) et de la fenêtre côté conducteur. « Je n’achète pas des véhicules tag », avertit l’individu.* Il fait référence aux voitures munies d’un dispositif de localisation, de plus en plus populaire dans un contexte de prolifération des vols de voitures.
* Remarque importante de l'équipe de Repérage Tag :
Les voleurs et les acheteurs de véhicules volés n'achèteront pas de véhicules équippés avec un « tag » . Cela signifie qu'ils évitent les véhicules protégés par le système de repérage Tag (l'Air Tag d'Apple ne fonctionne pas comme élément dissuasif).
On propose des séances d’apprentissage comme on vend une paire de jeans. Certaines sont même en solde pour l’été. « Formation Toyota ! Summer discount ! », peut-on lire dans le groupe.
La formation filmée offre à l’usager d’apprendre à voler une voiture sans laisser de traces sur le véhicule, comment reprogrammer une clé et la méthode pour se débarrasser d’un dispositif de localisation installé par prévention. L’accès à la « formation » coûte 3500 $.
Une « occasion d’affaires »
Des groupes de discussion comme celui-ci sont plutôt communs, affirme une source criminelle interrogée par La Presse. Il n’est pas rare que les bandits s’entraident sur l’internet, qu’il s’agisse de fraude, de vol ou même de vente d’armes à feu.
Liste de modèles de voitures convoités par les potentiels voleurs
Le modus operandi pour voler une voiture est somme toute assez simple, poursuit-il, ce qui explique que de nombreux jeunes criminels s’y adonnent depuis les dernières années. L’offre et la demande sont aussi à considérer. Les prix des voitures et des matériaux ont augmenté en flèche depuis 2020. La demande pour les VUS et les camions est là. Le milieu interlope y voit donc une « occasion d’affaires ». Les voleurs scannent le signal des clés à distance, puisqu’elles se trouvent souvent proches de la porte d’entrée. Ils reprogramment simplement la clé. Aucune vitre brisée, pas de dommages au véhicule : il est donc plus difficile de repérer les véhicules volés avant qu’ils prennent la direction du port de Montréal. La plupart des voitures dérobées sont destinées à l’étranger, principalement aux pays africains. Elles ne partent pas nécessairement outre-mer tout de suite après le vol. Il y a une courte période où la voiture va rester « statique, en stand-by », dans des endroits stratégiques.
Une tierce personne va la garder dans un endroit jugé discret. Un stationnement en bordure de quartier industriel, par exemple. Ainsi, si le véhicule est saisi, le voleur, ses complices ou son réseau ne sont pas automatiquement retracés. Le stratagème n’attire généralement pas les regards indiscrets, indique notre source.
Au moment de cibler des véhicules à voler, des gens sont aussi engagés pour faire la tournée du voisinage et détecter si la voiture est munie d’un dispositif de localisation comme un Air Tag.
L’appât du gain motive les jeunes bandits à commettre ces vols, malgré le risque de se faire filmer ou intercepter. Les sommes reçues dépendent de la valeur du véhicule volé. Elles varient entre 3000 $ et 10 000 $.
« Personne n’y échappe »
Malgré les dédommagements aux victimes et la nature généralement non violente du crime, les vols de voitures représentent un fléau insécurisant pour les personnes ciblées, qui se retrouvent mal prises dans un contexte où les voitures sont de plus en plus demandées.
« Ça m’a vraiment mis dans l’embarras », s’exclame d’emblée Olivier Lessard-Huard. Le résidant de Boucherville n’aurait jamais pensé que sa vieille Chrysler serait une cible de choix pour des voleurs. Après tout, on ne parle pas d’un VUS luxueux flambant neuf, se disait-il.
Mais rien n’arrête les criminels, semble-t-il. « Personne n’y échappe », laisse-t-il tomber.
Les vols d’automobiles sont devenus un fléau, croit M. Lessard-Huard, qui a perdu la trace de son véhicule en février dernier. Il s’agit d’un crime qui n’a fait ni mort ni blessé, mais peut tout de même causer des désagréments et des dépenses imprévues. Se procurer une nouvelle automobile n’est pas donné et peut occasionner plusieurs mois d’attente.
« C’est une voiture dont je me sers seulement l’hiver. Mon autre véhicule est seulement adapté pour l’été. Je me retrouve à devoir trouver un véhicule d’occasion pour cet hiver, mais avec la demande, ce n’est pas gagné d’avance », explique-t-il. Le délit se serait produit entre le 24 et le 26 février dernier, alors qu’il avait laissé son véhicule stationné pendant une semaine dans un quartier industriel de Montréal. Qu’on puisse voler sa vieille Chrysler le surprend. Même si ce n’est pas la fin du monde, il venait tout de même de mettre 1500 $ sur sa spacieuse berline pour des réparations. « Ça montre que personne n’est à l’abri. Ce n’est pas un véhicule convoité par les voleurs. »
« Ce n’est pas une bonne période pour acheter une auto, et mon véhicule n’était pas assuré. »
Chose certaine, M. Lessard-Huard compte installer un dispositif de localisation sur son prochain véhicule.
Jean-Philippe Hunter a lui aussi été victime de présumés voleurs à la mi-juin. Il avait stationné son véhicule dans la rue Saint-Denis à Montréal, près de chez lui. Surprise et désarroi le lendemain matin : son Honda Pilot 2017 n’était plus là. « C’est notre seule voiture. On en avait vraiment besoin. »
Il a alors tenté de localiser l’auto, sans succès. Il a donc fait les démarches avec l’assurance. Il a également contacté plusieurs entreprises de location de voitures.
« On me répond qu’il n’y a pas d’autos de location disponibles… car il y a trop de vols de voitures ! »
- Jean-Philippe Hunter, victime du vol de son véhicule
À sa grande surprise, c’est son fils de 9 ans qui a repéré le véhicule familial le lendemain lors d’une sortie scolaire. « C’est fou qu’il ait reconnu notre voiture ! On a eu de la chance, mais c’est très insécurisant de savoir que quelqu’un s’est introduit dans ton auto. »
Comme la voiture était endommagée, il a dû débourser 1000 $ pour reprogrammer les clés et réparer la serrure, que les malfaiteurs avaient forcée.
Il a immédiatement fait installer une caméra de sécurité devant chez lui et un engin de localisation sur son véhicule miraculeusement retrouvé. « Ça n’a l’air de rien, mais c’est de l’inquiétude et des frais ! »
Le Québec et l’Ontario en tête de palmarès
C’est en Ontario et au Québec qu’on rapporte la hausse la plus importante du nombre de véhicules volés. L’industrie de l’assurance a par ailleurs perdu une somme estimée à plus de 1 milliard de dollars en 2022 en raison de sinistres liés à des vols de véhicules, selon un rapport paru en juin dernier.
La majorité des voitures dérobées sont récentes (datant de 2017 tout au plus), car les réseaux tirent beaucoup plus de profits des véhicules récents et haut de gamme lors des ventes à l’étranger. Sans surprise, les véhicules les plus ciblés sont des camions et des VUS. « Les taux de récupération en Ontario (45 %) et au Québec (34 %) suggèrent que les véhicules sont exportés à partir des ports », selon le rapport publié par Équité Association, qui regroupe plusieurs compagnies d’assurance, en 2023.
Augmentation des vols de véhicules de 2021 à 2022
Ontario + 48,3 %
Québec + 50 %
Alberta + 18,3 %
Canada atlantique + 34,5 %
Source : Rapport sur les tendances de 2022 en matière de vol de véhicules par Équité Association
Par ailleurs, de nombreux Québécois sont arrêtés pour des vols de voitures en Ontario, affirment nos sources policières.
Le phénomène est en mouvement, plusieurs techniques d’enquête sont d’ailleurs déployées pour identifier et arrêter les suspects concernés, indique le Service de police de Laval (SPL).
« Il s’agit des branches lucratives utilisées par des membres de gangs de rue, mais à ce stade, nous ne pouvons pas généraliser au point de dire qu’il s’agit des seuls sujets arrêtés [dans les vols de voitures]. »
- Le Service de police de Laval
Légère diminution des vols de voitures à Laval
De janvier à juin 2022 : 815 vols
De janvier à juin 2023 : 786 vols
Source : Service de police de Laval
La hausse des vols de véhicules observée au Canada s’explique par le manque de disponibilité des véhicules à moteur neufs sur le marché, explique le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans un courriel transmis à La Presse. La pandémie a causé d’importantes pénuries dans tous les secteurs de l’économie, partout dans le monde. « C’est le cas pour l’industrie des semi-conducteurs, qui sont le principal composant des puces électroniques, ces pièces indispensables pour la fabrication des véhicules à moteur. Conséquemment, le prix de ceux qui étaient déjà sur les routes a aussi beaucoup augmenté, ce qui les a rendus d’autant plus alléchants pour les voleurs. »
Depuis 2021, la police de Montréal affirme avoir déployé des ressources supplémentaires pour enquêter sur les vols de véhicules. « Une équipe intégrée comptant différents services de police et dont nous faisons partie a été mise sur pied, également en 2021, pour unifier les efforts policiers dans le but de contrer le phénomène de la façon la plus efficace possible. Soulignons que la prévention est nettement plus importante que les arrestations, qui n’est qu’une petite partie de la solution », écrit encore le SPVM.
Comment se protéger ?
Il existe des moyens de se protéger contre le fléau, explique Jesse Caron, expert automobile chez CAA Québec. Les voleurs utilisent des appareils pour amplifier le signal de la clé et déverrouiller les portes comme si la clé se trouvait dans leur poche. M. Caron conseille donc de placer la clé dans une boîte Faraday ou anti-RFDI et de la garder loin de la porte d’entrée. « Ça coupe le signal », ajoute l’expert. La plupart coûtent entre 20 et 30 $ en ligne.
La bonne vieille barre antivol placée sur le volant et les pédales peut dissuader des amateurs ou leur compliquer la tâche.
On peut aussi faciliter la tâche de la police en cas de vol de véhicule en utilisant un dispositif de détection comme un Air Tag sur la voiture. Les services de suivi installent de multiples dispositifs de localisation difficiles à localiser sur l’ensemble du véhicule.** On peut ainsi repérer le véhicule dérobé en cas de vol. Jesse Caron conseille également l’installation d’une caméra de surveillance près du stationnement résidentiel. Les images filmées pourraient permettre aux autorités de retrouver les malfaiteurs dans certains cas.
** Remarque importante de l'équipe de Repérage Tag :
Repérage Tag est le seul système de repérage de véhicules volés largement approuvé par les compagnies d'assurance. Nos multiples transpondeurs sans fil rendent le démontage du système presque impossible pour les voleurs, et notre équipe de repérage interne (sur appel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7) peut suivre les véhicules partout en Amérique du Nord. L’Air Tag qui peut s’acheter en magasin n'a rien à voir avec nous !
Aucune méthode n’est infaillible, souligne toutefois M. Caron. Les bandits vont s’adapter aux différentes couches de protection contre le vol de voiture.
« Dans le cas des Air Tag, c’est très populaire. Mais le revers de la médaille, c’est que les voleurs peuvent s’en servir eux aussi. Les installer sur nos voitures pour les localiser et attendre le bon moment pour agir. »
- Jesse Caron, de CAA Québec
On évite aussi de se garer longtemps dans des endroits prisés des voleurs, comme le stationnement d’un hôtel ou la rue d’un quartier industriel.
Appelez notre équipe dès aujourd'hui pour en savoir plus sur le système de repérage Tag. Local (514) 745-8241, sans frais +1 (888) 745-8241, info@tagtracking.ca